« L'argent n'achète pas tout. N'est-ce pas ? »
Andrew & Kendra

« Tu vas aller au ministère en pyjama Kendra ? » Susurra la voix amusée de Maël à l’oreille de la concernée.

Kendra sursauta brutalement et manqua de tomber du canapé sur lequel elle était à demi allongée, une tasse de thé au caramel fumant dans une main, un roman moldu dans l’autre.

« C’est pas un pyjama je t’ai déjà dit… grogna la jeune femme boudeuse. C’est…
- Peu importe ce que c’est, tu sais qu’il est presque neuf heures ? Neuf moins dix-sept pour être précis. Un bruit de vaisselle cassé. Oh non… J’aime bien cette tasse… Tu as rendez-vous à neuf heures non ? »

Mais si vous croyez que Kendra avait entendu la question de son meilleur ami, vous vous mettez le doigt dans l’œil. Elle était déjà dans la salle de bain entrain de terminer de se doucher. Dans le salon, Maël répara d’un coup de baguette la tasse qui avait souffert de si nombreuses fois sous les gestes impulsifs de la belle blonde. Le temps qu’il jette un autre sortilège pour éponger le thé du thé du canapé, Kendra était de retour dans la pièce, enfilant un gilet long par-dessus un fin pull rayé. Elle n’était jamais très à l’aise en robe de sorcier et préférait les vêtements moldu : un pli qu’elle avait gardé de sa mère. Maël jeta un coup d’œil appréciateur au short qui accompagnait le tout et lança avec un sourire :

« Tu comptes séduire quelqu’un ?
- Maël… j’ai pas le temps pour tes conneries !
- Je plaisante. De toute façon, t’es toujours jolie… Même dans un sac poubelle tu serais…
- Bon, je file, le coupa Kendra avec un sourire en coin. Quand je reviens tu me diras ce dont tu as tant besoin parce que là… »

Un instant plus tard, la blonde élancée se trouvait dans l’air froid de février et ne regrettait pas un brin les bottes qu’elle portait. Pas qu’elle soit frileuse mais l’hiver était particulièrement froid cette année. Elle transplana la seconde suivante pour se retrouver au ministère. Elle repensa aux paroles de Maël. Non, elle ne comptait séduire personne bien sur… mais aujourd’hui, elle n’avait pas ce qu’on pouvait appeler un rendez-vous banal. C’était Andrew Hewett, le sous-secrétaire d’Etat auprès du ministre, en personne qui lui avait envoyé une sommation de rendez-vous la veille. De sa main. Et un rendez-vous avec un tel personnage ne présageait rien de petit. Le plus étrange c’était sans doute le post-scriptum qui la sommait de ne pas parler de cette entrevue, avec qui que ce soit.

Dans l’atrium elle salua de la main quelques connaissances avec un sourire et au moment où elle porta son regard à l’horloge géante qui indiquait neuf heures moins cinq, quelqu’un lui sauta littéralement dessus, manquant de la faire tomber.

« Kendra ! Qu’est-ce que tu fais là ?! » S’extasia son amie, Mona.

L’attrapeuse l’embrassa sur la joue et se détacha doucement. Elle répugnait à cacher des choses à Mona mais elle ne pouvait pour l’instant rien dire. Elle se promit pourtant de lui dévoiler tout ce qu’elle pourrait si elle en avait le droit et après avoir indiqué qu’elle allait finir par réellement être en retard, elle s’éloigna avec un petit sourire d’excuse. La brunette lui jeta un regard suspicieux puis sourit à son tour avant de s’éloigner dans une direction opposée. Une fois dans les ascenseurs, elle ne mit pas longtemps à atterrir au département de la justice magique où monsieur Hewett lui avait fixé rendez-vous. Elle pénétra dans le luxueux couloir et fut soulagée de ne rencontrer personne. Elle ne comptait pas encore mentir ou s’esquiver et de toute façon, elle n’en n’avait plus le temps. Il devait être neuf heures pile et en effet, elle reconnut le sous-secrétaire d’Etat au bout du couloir, seul, qui sortait d’un bureau. Elle l’avait identifié grâce aux photos qu’elle avait déjà eu l’occasion de voir dans la Gazette. Elle s’approcha d’un pas certain, la tête haute, son habituel regard flamboyant animant ses yeux et tendit une main décidée à l’homme qui lui faisait désormais face.

« Enchantée monsieur le sous-secrétaire. J’espère enfin en savoir un peu plus sur l’objet de ma venue ? »

La réponse se fit sans attendre. Pour une raison qui lui échappait encore, l’homme en face d’elle semblait vouloir la mettre parfaitement à l’aise. Elle se détendit et lui offrit un sourire puis elle acquiesça. Son nom, une plaie à prononcer en effet. Pourtant elle l’exhibait fièrement et s’arrangeait toujours pour glisser un mot aux commentateurs de matchs pour s’assurer qu’ils le prononceraient correctement avant l’entrée d’un match. Il lui confia qu’il avait déjà joué, Kendra sourit de plus belle. Elle le voyait bien attrapeur ou batteur, le regard vif à l’affut, capable de prendre les décisions décisives pour le match. Pourtant elle fut arrachée à cette vision par un petit commentaire sur sa tenue, « très originale » ?

« Je ne suis pas tout à fait à l’aise en tenue folklorique, se justifia-t-elle avec un petit mouvement de tête hésitant sans se départir de son sourire. Une vieille habitude. »

Kendra dénota alors l’ombre d’une grimace sur le visage qui lui faisait face et, de la gêne. Ce changement d’atmosphère la mit sur ses gardes. Ce n’était sans doute pas sa tenue qui était en cause. Bien qu’elle ne veuille pas mettre le sous-secrétaire encore plus mal à l’aise, son célèbre regard suspicieux prit place un instant au fond de ses grands yeux verts. Il reprit pourtant la parole et la jeune femme attendit patiemment.

« Je vous ai amenée parce que je pense que vous avez du talent, et que je ne vois pas pourquoi vous ne seriez pas en équipe nationale... Vous le méritez, et j'aime honorer le mérite. »

A ces mots, Kendra inclina la tête, folle de joie et de reconnaissance. C’était connu, rien ne ravissait mieux la belle que les compliments, qui plus est sur sa technique de vol. De plus, lui parler de l’équipe nationale, son rêve le plus cher, celui pour lequel elle nourrissait une ambition dévorante et qui la faisait se dépenser à deux-cent pourcent sur le terrain… Si Kendra avait été paranoïaque, elle aurait soupçonné Mr. Hewett d’attendre quelque chose d’elle. Elle rit intérieurement à cette idée. Le sous-secrétaire d’état auprès du ministre, un vendu. Et puis quoi en…

« Je n'aurais aucun mal à envoyer une lettre à des gens bien placés pour ce faire. Mais comme vous savez, rien n'est... gratuit... »

Sur le coup, Kendra se demanda si elle avait bien entendu, et, sans se soucier un instant de la grossièreté qu’aurait peut être son geste, elle eut une faible exclamation presque outrée. Elle n’avait pas du bien comprendre. Et Kendra n’était pas légilimens… Elle n’avait donc pas pu entrevoir à l’avance ce qu’Andrew Hewett allait lui dire. Pourtant, ce qu’il venait de faire ressembler bien trop à une proposition véreuse pour que ce n’en soit pas une. Elle aurait pu reculer d’un pas, mais ne le fit pas, pas le moins du monde intimidée. Pourtant, son expression changea du tout au tout, son sourire chaleureux fondit littéralement. Attention au courant que pourrait prendre cette discussion monsieur Hewett… mieux vaut ne pas subir les foudres de Kendra. Elle se contrôla pourtant et c’est d’une voix sûre mais déterminée qu’elle parla :

« Je ne suis pas stupide monsieur le sous-secrétaire. Je ne prétendrai donc pas avoir mal compris ce que vous venez de dire. Loin de moi aussi l’idée d’attaquer une personne aussi respectable que vous mais que signifie cette proposition ? Pour entrer dans l’équipe d’Angleterre, il est indéniable que grâce à mon talent, à l’issue de cette saison, ou la prochaine, je n’aurais aucun souci. D’ailleurs, quel autre moyen sinon à la loyal, pourrais-je parvenir à ce but ? »

Kendra s’empêchait de fulminer. En effet, si jamais elle se méprenait, elle aurait eu l’air fine d’attaquer l’homme en face d’elle… Pourtant elle ne pouvait s’empêcher d’éprouver l’impression qu’elle avait tout juste. C’est donc avec grande peine qu’elle ravala son regard noir.

Cette hésitation ça ne ressemblait pas du tout à Andrew. Après tout, il s'était jeté dans la gueule du loup, il n'y avait plus moyen de reculer. D'ailleurs Kendra ne semblait pas dupe. Il n'y avait pas trente-six mille suites à ce qu'il venait de dire... Les généreux philanthropes ne courent pas les rues, surtout au ministère. Andrew n'avait d'habitude aucun mal à aborder la partie qui fache, d'ailleurs sa préférée... Mais qu'est-ce qui avait changé dans l'équation pour qu'il ait tant de mal cette fois-ci ? Il ne fallait pas aller bien loin pour trouver réponse à cette question. Kendra n'était pas le genre d'escrocs auquels il avait trop longtemps eu affaire, le genre de sale type qui grouillait dans la sphère politique, avec lesquels "tout s'achète". Non Kendra, n'était pas ce genre de personne que l'on rencontre par hasard devant Barjow & Beurk, au coin de l'Allée de Embrumes. Ce n'était que maintenant qu'il se rendait compte de l'évidence qui lui pendait au nez. Alors quoi ? Fallait-il s'arrêter-là et renvoyer la jeune fille chez elle parce que Mr le sous-secrétaire n'assumait plus la raison de cette invitation alors qu'il savait très bien qu'elle avait déjà sa petite idée sur ce qui se cachait derrière cette entrevue, à la veille du plus grand match de la saison. Et puis Andrew avait choisi la couverture parfaite, une bonne vieille salle glauque, vide et obscure du département de la justice magique du ministère, l'endroit parfait pour prendre une tasse de thé et discuter potins toute l'après-midi... C'était le Quidditch dont il était question, et à moins qu'il l'ait oublié, c'était son sport préféré. Il ne se rendait pas compte qu'il s'apprêtait à cracher sur ce jeu merveilleux et sur la réputation d'une de ses joueuses les plus talentueuses pour satisfaire un petit caprice d'enfant, cette lubie de voir les Pride of Potree au sommet de la ligue de Grande-Bretagne et d'Irlande...


"Ce sont de grands mots que vous utilisez-là... La loyauté et le talent ne suffisent parfois pas Kendra, surtout dans le sport... Mais je vous l'accorde, vous avez du talent et beaucoup de grace sur un balai. Je peux vous citer tant de joueurs aussi talentueux que vous qui n'ont jamais pu chanter l'hymne en coupe du monde... La chance aussi joue son rôle, mais pas que la chance..." Et voilà, il ne restait plus qu'à le dire. La "loyauté et le talent ne suffisent pas"... "il n'y a pas que la chance". Plus de raccourci possible...
"Comme je vous le disais tout à l'heure, rien n'est gratuit...". Le ton était là, le discours était déjà dans sa tête, il regardait Kendra dans le yeux et continua : "Tout se mérite Kendra... Et il n'y a de mérite pour moi que le labeur. En politique comme dans le sport, c'est par un travail acharné que j'en suis arrivé là. Bien sûr le talent aide, mais il faut travailler d'arrache-pied, et ne jamais se dire que c'est acquis. Si vous me promettez de redoubler d'efforts jusqu'à la fin de cette saison, et dieu sait que vous travaillez déjà beaucoup, je peux m'assurer que vous soyez dans les tablettes mais surtout dans les bonnes grâces de l'entraîneur. Si vous le méritez, je n'hésiterais pas une seconde. Et ça commence par faire le match parfait contre les Prides of Portree."


Andrew avait pris la tangente, il avait renoncé à satisfaire sa petite personne à tout prix. Il est rare qu'un égoïste narcissique de son genre fasse un retour sur soi, mais pourtant, c'était, contre toute attente ce qui venait de lui arriver. Peut-être était-ce les jolis yeux de Kendra, ou juste sa conscience qui se réveillait d'un long sommeil, mais l'effort qu'il venait de faire était considérable.


"Si vous voulez bien venir avec moi dans mon bureau, je voudrais vous montrer une ou deux bricoles..."


C'était sûr, Andrew n'était pas un ange, surtout depuis qu'il était arrivé au ministère. Lui même n'aurait pas accepté sa propre proposition s'il y avait été confronté en tant que joueur, encore moins Kendra. Il posa la main sur l'épaule de Kendra et sourit à la jeune fille en lui demandant de le suivre.

Spoiler:

A l’évidence, la réaction de Kendra n’était pas celle à laquelle semblait s’attendre Andrew de prime abord. Pourtant, son petit air songeur lui laissa deviner qu’il aurait du s’en douter. Kendra était une personne entière, déterminée, fière et ambitieuse. Rien au monde n’aurait pu l’acheter ou la faire manquer à ses devoirs. Sauf peut être un accès gratuit d’une semaine dans une des boutiques des Weasley, Farces pour sorciers facétieux, de loin la plus grande invention du monde magique de ces cinquante dernières années… Oui, oui, messieurs dames, même les inventions de Dumbledore en personne… Bref. Tandis que Kendra souriait intérieurement à cette idée, Mr. Hewett se remit à la complimenter sur son jeu. Elle lui adressa un sourire poli pour le remercier, mais pas aussi chaleureux que précédemment. Elle ne voulait pas qu’il oublie qu’elle n’était pas décidée à coopérer dans une entreprise véreuse. Mais bientôt…

« Je peux vous citer tant de joueurs aussi talentueux que vous qui n'ont jamais pu chanter l'hymne en coupe du monde... La chance aussi joue son rôle, mais pas que la chance… Comme je vous le disais tout à l'heure, rien n'est gratuit. »

Kendra lui lança un regard réprobateur, presque assassin . Peut être que la chance avait son rôle à jouer, mais en effet, elle était talentueuse et elle tenterait par tous les moyens honnêtes de figurer dans la composition d’une des futures équipes d’Angleterre, cette année, ou une autre.

« Je partage votre point de vue monsieur Hewett. Rien n’est gratuit en effet. Mais comme je vais le répéter, c’est au talent et à la loyauté que cela se paye. La chance n’a pas à s’acheter, » lui fit-elle remarquer d’un ton toujours poli, mais froid à présent.

Elle tenait à ce qu’il comprenne qu’il devait immédiatement abandonner cette idée s’il ne voulait pas qu’elle montre les crocs. Pourtant, indélogeable, il enchaina sur le même genre de discours, sans doute certain qu’il pourrait la persuader. Elle ne cilla pas, soutenant son regard avec détermination.

« Tout se mérite Kendra... Et il n'y a de mérite pour moi que le labeur. En politique comme dans le sport, c'est par un travail acharné que j'en suis arrivé là. Bien sûr le talent aide, mais il faut travailler d'arrache-pied, et ne jamais se dire que c'est acquis. Si vous me promettez de redoubler d'efforts jusqu'à la fin de cette saison, et dieu sait que vous travaillez déjà beaucoup, je peux m'assurer que vous soyez dans les tablettes mais surtout dans les bonnes grâces de l'entraîneur. Si vous le méritez, je n'hésiterais pas une seconde. Et ça commence par faire le match parfait contre les Prides of Portree. »

Cette fois, la grande blonde l’avait écouté d’une oreille plus encline à la réception. Personne n’était dupe, Kendra avait toujours été très sensible aux flatteries et à nouveau, il su avec très bonne mesure comment souligner son travail. Pourtant, le sentiment qu’il n’était pas aussi juste qu’il le prônait ne la quittait pas. Elle hocha la tête avec gratitude lorsqu’il lui parla de son pouvoir et tendit l’oreille avec deux fois plus d’attention lorsqu’il prononça la dernière phrase. Qu’entendait-il par « faire le match parfait contre les Prides of Portree » ? Décidant de ranger un instant son acidité, la jeune femme lui répondit avec douceur :

« Il est évident monsieur le sous-secrétaire, que je mettrai tout mon cœur dans ce match, comme je le fait pour chacun et qu’il sera ma priorité d’aider mon équipe à arracher une nouvelle victoire. Ils comptent sur moi, comme je compte sur eux. »

Le regard qu’ils échangèrent ensuite la soulagea. Les hostilités qui avaient faillis naître semblaient s’éloigner. Décidant pour autant de rester sur ses gardes, elle retrouva ses habitudes chaleureuses et lorsqu’il l’invita à la suivre dans son bureau c’est avec bonheur qu’elle le suivit. Peut-être que la conversation allait devenir terriblement intéressante ? Lorsqu’il posa sa main sur son épaule, elle se laissa guidée, décidant de ranger les armes jusqu’à nouvel ordre.

« J’en serais ravie ! Vous me disiez que vous étiez joueur dans votre enfance ? Je serais ravie de découvrir quel poste occupiez-vous ! »

S’exclama t-elle en le suivant.