De l'air. Besoin d'air, de respirer. De remplir mes poumons avec autre chose que de la peur et de la poussière. Besoin de tranquillité et de solitude également, j'en assez d'écouter les gens crier autour de moi et de n'entendre parler que de malheur.s Besoin de me changer les idées enfin. Avec les évènements de ces dernières semaines, j'ai juste l'impression que ma tête va exploser. J'ai du mal à dormir, du mal à me concentrer, du mal à faire quoi que ce soit d'utile dernièrement. Même les entrainements avec Matvei sont une catastrophe et je n'exagère rien...Nous passons finalement plus du temps à parler et à profiter de la compagnie de l'autre qu'à réellement faire des efforts. Surtout moi. Je sais que devenir animagus prend du temps, qu'il demande une implication sérieuse mais les derniers évènements m'ont plus vidée de toute motivation qu'autre chose. De toute façon, je n'ai jamais réussi à faire rien de bien jusqu'à présent. Matvei dit que ce n'est pas grave, que cela demande du temps et que je suis fatiguée...Selon lui, je finirai par y arriver, que c'est juste une question de patience.

D'accord, je veux bien le croire. Mais est-ce possible d'avoir de la patience en ce moment? J'aimerais n'avoir qu'un dixième de la propre volonté qu'il détient. Je ne peux pas m'empêcher de l'admirer quand il arrive le matin au Ministère, les yeux cernés comme jamais mais gonflé à bloc et prêt à avaler le monde. J'aimerais tellement pouvoir faire comme lui, ne pas avoir envie de pleurer ou de baisser les bras dès que quelque chose ne va pas bien.

Ce matin, je n'en pouvais plus. Une nuit blanche, encore une. Une matinée stressante. J'ai demandé mon après-midi, incapable que j'étais de continuer mon travail correctement. Ma chef me l'a accordé, je crois plus par pitié que par réelle envie. Je m'en suis doutée quand j'ai vue ma mine de déterrée dans le miroir des toilettes. Un cadavre enterré depuis deux siècles n'aurait pas eu l'air en meilleure forme. Elle a du se dire que j'avais besoin de bronzer un peu...

Bref. Quoi de mieux qu'une promenade pour se changer les idées, n'est-ce pas? Ce jour-là, j'ai choisi de me rendre au chemin de traverse tout simplement. Les magasins sont pourtant fermés, me condamnant au simple lèche-vitrine, mais ce n'est pas très grave. A part du maquillage pour tenter de cacher mon teint cadavérique, je ne sais pas trop ce que j'aurais pu acheter...Mais marcher me fait du bien, sans compter qu'il n'y a pas foule. On s'en contentera pour l'instant...

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Des cris. Ce sont des cris de panique. Du moins, j'en ai vaguement l'impression. En réalité, je n'entends presque plus rien. Je ne sais même pas ce qu'il se passe...Tout ce que j'ai entendu, c'est ce bruit sourd et terrible. Le bruit d'une explosion. Tellement proche que j'en ai les tympans bouchés. Les mains sur mes oreilles pour tenter vainement d'atténuer la douleur et la gène, je lève les yeux.

Et n'aperçois qu'un nuage énorme de poussière, tellement grand qu'il inonde la rue et s'élève dans le ciel. Mais que...que s'est-il passé? Je perçois soudain des cris...Des cris de panique sans aucun doute....L'espace d'un instant, l'image de Sainte Mangouste réduit à l'état de ruines fumantes s'impose à moi, l'odeur de la mort et de la peur s'infiltre dans mon corps, le souvenir abominable des derniers jours revient à ma mémoire. Non. Non.

Ce ne peut pas être ça. Je crois que mes yeux se sont fermés, pendant une fraction de seconde où le noir du cauchemar qui me hante dernièrement a enveloppé de nouveau mon être. Je n'aurais jamais cru que je puisse rêver sans dormir. Non.

Je rouvre les yeux, difficilement. Peur de ce que je vais apercevoir, peur de découvrir ce qui s'est passé...Mes mains me font mal, parce que je viens de serrer les poings jusqu'à ne plus pouvoir. Inconsciemment. Respire Léra, respire, détend-toi. Commence pas à flancher.

C'est à ce moment précis que je l'aperçois. Vaguement au départ, j'ai peut-être rêvé. Peut-être que mon imagination fertile me joue des tours, peut-être que j'ai tellement peur d'eux que je les vois partout?

Non. Le voilà de nouveau, je ne me suis pas trompée. Cet homme...ou cette femme, il porte bien un masque. Si caractéristique, brillant et effrayant...Différent de ses semblables mais pourtant étrangement familier à présent. Ce masque qui apporte la désolation, la douleur et la misère là où il passe. Et celui qui le porte tient une passante en respect, la baguette pointée sous sa gorge traitresse comme le plus affuté des fleurets.

J'aurais sans doute dû aider cette femme, faire quelque chose...A la place, je suis restée immobile, figée.

Inutile...

Jour de gloire, jour de colère. Jour où tout allait bien se passer. Enfin tout dépend du bord où on se situe. Pour 19.LTK.1, la journée avait bien commencé. L'air était pur, le ciel clair. Le temps parfait pour accomplir quelques méfaits. Il fallait bien s'occuper, et quoi de mieux que d'agir pour le bien de l'Organisation. C'est ce que 19.LTK.1 s'était dit en passant son masque sur son visage et en partant baguette en main terroriser les braves et honnêtes gens de Londres.
Que ce soit bien clair, 19.LTK.1 était ironique : les seuls braves et honnêtes gens à sa connaissance étaient ses camarades de l'Organisation, les seuls à même de régler cette situation chaotique. Si on lui avait demandé son avis, 19.LTK.1 aurait affirmé qu'il fallait d'abord couper la tête du corps pour ensuite mettre en place des mesures drastiques : ça serait revenu à décapiter le Ministre Sejdic, et 19.LTK.1 n'y aurait pas vu beaucoup d'inconvénients. On avait apprécié son enthousiasme, mais on lui avait dit qu'il fallait quand même être un peu modéré. On ne tue pas un Ministre en fonction, même s'il fait tout pour chercher des crosses.
Et on lui avait dit d'aller faire quelque chose d'utile pour la communauté. Ce que 19.LTK.1 faisait maintenant avec une joie inégalable.

Les explosions se succédaient et 19.LTK.1 n'était pas seul en besogne. Ses camarades agissaient de même, faisant se briser des vitrines, enflammer des tentures et des enseignes. Et puis quelques sorts qui partaient facilement, pour semer un peu le trouble sur le Chemin de Traverse. Pourquoi pas, après tout ? Il fallait asseoir un régime dans la terreur et maintenant les populations dans la crainte, sans cela on risquait une rébellion fort décevante.

19.LTK.1 avançait tranquillement dans la rue, comme s'il se promenait paisiblement dans un champ en cueillant des fleurs. Là, c'était autre chose : sa mission (qu'il avait acceptée, bien sûr) revenait non pas à cueillir des fleurs mais à cueillir des prisonniers. Et 19.LTK.1 ne voulait pas décevoir son chef. Alors 19.LTK.1 allait faire ce qu'on lui disait et remplir la part du boulot. Mais avec tous ces gens qui détalent quand vous avancez en diffusant le chaos autour de vous, c'est un peu difficile. Et si en plus quelqu'un vous manque de peu…  19.LTK.1 pointait désormais sa baguette sur une sorcière brune, qui le fusillait du regard et dont les larmes coulaient sur ses joues. Si l'on avait pu voir à travers le masque, on aurait vu un sourire narquois se dessiner sur ses lèvres. Tellement facile : 19.LTK.1 désarma sa piètre adversaire d'un revers de baguette, sans dire un seul mot. Et puis il s'avança, menaçant, sans rien dire encore… Trop facile.
La femme se mit à trembler, regardant partout autour alors que 19.LTK.1 s'approchait. Et puis la sorcière eut soudainement le regard fixe : une fois à la hauteur de la femme, la baguette sous sa gorge, son autre main gantée et ferme lui tenant la nuque, 19.LTK.1 daigna regarder ce que l'autre fixait avec un espoir niais.
Un bref rire de satisfaction accueillit sa nouvelle découverte, tandis qu'il tenait sa proie actuelle. On venait de lui servir sur un plateau d'argent une personne d'une tout autre importance.

Miracle !

Devant 19.LTK.1, se tenait une silhouette familière. 19.LTK.1 identifia aisément la sorcière qui lui faisait face, l'air tétanisée : Léra Kamenskaïa, soit une amie de Sejdic. En voilà une aubaine ! Et dire que 19.LTK.1 allait repartir avec une sorcière lambda qui ne servait à rien !
Lâchant son ancienne proie après l'avoir pétrifié d'un sort informulé, 19.LTK.1 s'avança vers cette demoiselle bien plus alléchante. Et, mimant une hypocrite révérence, 19.LTK.1 lança dans une voix grave, masculine apparemment :

« Eh bien, me voilà enchanté d'une telle rencontre. Voudriez-vous bien me faire gagner du temps en me donnant de vous-même votre baguette ? »

Bien sûr, 19.LTK.1 l'observait et était prêt à se battre au moindre mouvement de la part de Mademoiselle Kamenskaïa. Il se doutait bien qu'elle ne cèderait pas à la politesse, il avait entendu des histoires sur elle, et puis on parlait entre membres de l'Organisation des démêlés qu'on avait pu avoir avec certaines personnalités aux réputations non usurpées.
Cependant, il pouvait toujours tenter : après tout, peut-être se rendrait-elle à la raison ?